Politique

Sénat, Assemblée nationale, les chambres de la république bananière.

Un article édifiant dans France Soir.
François Vendasi est plébiscité par les grands électeurs de Haute-Corse.
C’est le roi de l’absentéisme politique, le champion du fauteuil vide au Palais du Luxembourg : pour son « travail » de sénateur, François Vendasi 71 ans, élu de Haute-Corse, perçoit une indemnité de fonction de 7.100 € brut par mois, auxquels s’ajoutent 6.209 € net d’indemnités de représentation… pour un jour de présence par an.

Tout aussi étonnant, « Monsieur Fanfan », comme le surnomment affectueusement ses amis, assume pleinement son incroyable absentéisme : « Je me rends au Sénat seulement une fois par an, car ce n’est pas avec des effets de manche dans l’amphithéâtre du Sénat qu’on règle les dossiers. N’étant pas un grand orateur, je préfère laisser la parole à certains des 17 collègues de mon groupe, le Rassemblement démocratique et social européen », explique-il à France-Soir.

Mieux encore : sa visite annuelle à Paris, toujours à la fin novembre, coïncide avec le congrès de l’Association des maires de France : « A cette occasion, j’invite certains de mes grands électeurs à déjeuner », dit-il. Ce sont eux qui assurent l’élection de François Vendasi au Sénat. Le sénateur fantôme poursuit : « Plutôt que d’aller en séance au Sénat, face à un secrétaire d’Etat qui ne connaît pas grand-chose à l’affaire, je préfère rester sur le terrain, en Haute-Corse, et plaider les dossiers directement avec des fonctionnaires des ministères. Paris et ses joutes politiciennes, ce n’est pas mon truc. Mais on ne peut pas dire que je ne fais rien. Le travail d’un sénateur, c’est surtout pour moi la représentation locale. »

Honnêteté

Il y a une certaine honnêteté à reconnaître ainsi son absentéisme. En effet, rien n’oblige François Vendasi à le faire. Comme l’Assemblée nationale, le Sénat ne publie aucun chiffre sur la présence des sénateurs en séance ou en commission. Pour chaque parlementaire, les deux assemblées se contentent d’indiquer sur leurs sites respectifs les prises de parole de chaque parlementaire dans l’Hémicycle et en commissions, leurs projets de loi ou les rapports déposés et questions orales.

L’examen de ces statistiques colle parfaitement avec les dires de « Monsieur Fanfan ». Depuis son élection au Sénat, le 19 juin 2005, il n’a jamais pris la parole dans l’hémicycle du Palais du Luxembourg et n’est pas plus intervenu à la commission des affaires sociales, dont il est pourtant membre. Durant ces cinq ans et demi de mandat, il a tout de même posé cinquante-deux questions écrites… depuis la Corse ! Il n’est l’auteur d’aucun rapport parlementaire ni projet de loi.

Malgré tout, François Vendasi envisage de se faire réélire au Sénat, en 2014. Il aura alors 74 ans.

16.736,25 € par mois

Absent à Paris, cumulard en Corse : François Vendasi perçoit pour l’ensemble de ses mandats une somme totale de 16.736,25 €, aux frais de la République. Plus de la moitié de cette somme échappe, tout à fait légalement, à l’impôt sur le revenu. Pour son mandat de sénateur, il touche exactement 7.100,15 € brut d’indemnités de fonction et 6.209,13 € net « d’indemnité représentative forfaitaire de frais de mandat » (IRFM), auxquels s’ajoutent 2.090,81 € brut comme maire de Furiani et 1.254,48 € brut comme vice-président de « Bastia agglomération ». Question : les 6.209,13 € d’IRFM, pour lesquels aucun justificatif n’est exigé, ne font-ils pas double emploi avec les frais qui lui sont remboursés sur justificatifs en tant que maire de Furiani et vice-président de la communauté d’agglomération de Bastia ?

En plus de ces indemnités, comme tous les parlementaires, François Vendasi bénéficie de certains privilèges, dont il n’abuse pas, tels 40 allers et retours en avion Paris-Bastia et des voyages sans limitation sur les réseaux SNCF et RATP.

Son mandat court jusqu’en 2014. S’il démissionnait en juin prochain, ce champion du fauteuil vide aurait déjà droit à une retraite de près de 1.900 € mensuels, pour six ans seulement de mandat de sénateur, sans compter ses autres pensions d’ancien vice-président du conseil général de Haute-Corse, de maire de Furiani. Rappel : un Français à la retraite touche une pension mensuelle moyenne de 1.300 € brut, après quarante années de cotisation…

Absences non sanctionnées

Théoriquement le Sénat sanctionne l’absentéisme. L’article 15 de son règlement intérieur, alinéa 3, stipule « qu’en cas de trois absences consécutives non justifiées d’un sénateur dans la commission permanente dont il est membre, son indemnité de fonction peut être réduite de moitié jusqu’à la session ordinaire au mois d’octobre ». Cette sanction n’a jamais frappé François Vendasi. Il ne s’agit pas d’un régime de faveur. L’article 15 n’a jamais été appliqué au Sénat. Pour le reste, « Monsieur Fanfan » n’a de compte à rendre qu’à ses 540 grands électeurs.

La politique de « la chaise vide » n’a pas empêché « Fanfan » d’être brillamment réélu sénateur de Haute-Corse, le 23 septembre 2008, avec 62 % des suffrages exprimés par ses 540 grands électeurs, dont 2 députés, 27 conseillers à l’Assemblée de Corse, 30 conseillers généraux et 481 conseillers municipaux, représentant la population de la Haute-Corse, soit 141.584 habitants.

Conclusion du grand absent : « Ce résultat me donne une forte légitimité pour représenter notre département et la Corse au Parlement. »

Un tiers travaille d’arrache-pied

Certes, le cas de François Vendasi est extrême. Mais le sénateur centriste de la Somme, Marcel Donneux, affirme que les 343 sénateurs français ne sont pas tous d’une assiduité exemplaire : « Un tiers ne vient jamais ou presque, un deuxième tiers vient irrégulièrement et un tiers travaille d’arrache-pied », dit-il.

Papi jovial, serviable et apprécié, François Vendasi sait qu’il est le maillot jaune incontesté du « tiers de sénateurs qui ne viennent jamais ou presque jamais » à Paris. Avec certains de ses élus, la République est bon enfant.

Rois fainéants
A sa décharge, François Vendasi n’est pas le seul sénateur adepte de l’absentéisme. Il a cinq « concurrents » sérieux, qu’on voit rarement à Paris.
Rival n° 1 et réélu en 2008, le sénateur non inscrit et ex-RPR Gaston Flosse, 79 ans. Motif invoqué : l’éloignement de son territoire, la Polynésie française. Il perçoit malgré tout ses indemnités. Autre challenger pour le titre de plus mauvais élève de la classe : le sénateur maire Modem de Biarritz, Didier Borotra, 73 ans. Depuis 2003, il reste inconnu du personnel du Sénat (personnel bénéficiant, quant à lui, de onze semaines de congés payés !).
Autre cas, le sénateur maire PS de Clermont-Ferrand, Serge Godard, 74 ans, qui a remplacé en mars 2010 Michel Charasse, nommé au Conseil constitutionnel. En un an, il n’a jamais pris la parole dans l’hémicycle et seulement deux fois en commission de l’économie.
Sénateur depuis 2007, président PS du conseil régional de Haute-Normandie, Alain Le Vern, 63 ans, reste, lui aussi, invisible au Palais du Luxembourg. Ce fabiusien pur sucre préfère s’y afficher comme le roi de la proposition de loi ou de la résolution (74 en trois ans et demi !), a priori transmises par fax ou par mail.
Enfin, dernier exemple de grand absent : le sénateur UMP et ancien maire de Saint-Quentin (Aisne), Pierre André, 64 ans. Souffrant d’un cancer des cordes vocales, qu’il a lui-même annoncé publiquement, il a d’énormes difficultés d’élocution. Mais cela n’a pas conduit le sénateur à démissionner, ni de son mandat de sénateur expirant en 2014, ni de sa présidence de la communauté d’agglomération de Saint-Quentin, ni de son poste de conseiller municipal de cette ville. En cas de démission, sa retraite de sénateur s’élèverait à 3.750 € bruts pour douze ans de mandat. Sénateur, il gagne le double.

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